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feux, ni cabanes, ni pirogues. L’Étoile avait été dans cette nuit encore plus en danger que nous, car elle fut très longtemps sans gouverner, et la marée l’entraînait visiblement à la côte, lorsque le vent vint à son aide. À deux heures après-midi, nous doublâmes l’îlot le plus occidental, et nous gouvernâmes à ouest-sud-ouest.

Le 11 à midi, étant par deux degrés dix-sept minutes de latitude australe, nous aperçûmes dans le sud une côte élevée, qui nous parut être celle de la nouvelle Guinée. Quelques heures après, on la vit plus clairement. C’est une terre haute et montueuse, qui dans cette partie s’étend sur l’ouest-nord-ouest. Le 12 à midi, nous étions environ à dix lieues des terres les plus voisines de nous. Il était impossible de détailler la côte à cette distance ; il nous apparut seulement une grande baie vers deux degrés vingt-cinq minutes de latitude sud, et des terres basses dans le fond, qu’on ne découvrait que du haut des mâts. Nous jugeâmes aussi, par la vitesse avec laquelle nous doublions les terres, que les courants nous étaient devenus favorables ; mais, pour apprécier avec quelque justesse la différence qu’ils occasionnaient dans l’estime de notre route, il eût fallu cingler moins loin de la côte. Nous continuâmes à la prolonger de dix ou douze lieues de distance. Son gisement était toujours sur l’ouest-nord-ouest et sa hauteur prodigieuse. Nous y remarquâmes surtout deux pics très élevés, voisins l’un de l’autre, et qui surpassent en hauteur toutes les autres montagnes. Nous les avons nommés les deux Cyclopes. Nous eûmes occasion de remarquer que les marées portaient sur le nord-ouest. Effectivement nous nous trouvâmes le jour suivant plus éloignés de la côte de la nouvelle Guinée, qui revient ici sur l’ouest. Le 14 au point du jour, nous découvrîmes deux îles, et un îlot qui paraissait entre les deux, mais plus au sud. Elles gisent entre elles est-sud-est et ouest-nord-ouest corrigés ; elles sont à deux lieues de distance l’une de l’autre, de médiocre hauteur, et n’ont pas plus d’une lieue et demie d’étendue chacune.

Nous avancions peu chaque journée. Depuis que nous étions sur la côte de la nouvelle Guinée, nous avions assez régulièrement une faible brise d’est ou de nord-est, qui commençait vers deux ou trois heures après-midi, et durait environ jusque vers minuit ; à cette brise succédait un intervalle plus ou moins long de calme, qui était suivi de la brise de terre variable du sud-ouest au sud-sud-ouest, laquelle