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pied des récifs cinq à six brasses d’eau, fond de vase blanchâtre. On en sortirait en se touant. De plus, il faut savoir qu’il y a passage à terre des récifs et que, en envoyant un bateau à Caravella, petit port marqué sur la carte, on y peut avoir des pilotes.

2° Entre le vingt-et-unième et le vingt-troisième parallèle austral, et par quarante-quatre degrés environ de longitude occidentale du méridien de Paris, il faut se méfier d’un haut fond qui n’est marqué ni sur la carte française ni sur la carte hollandaise. Ce sont les basses de Saint-Thomas, basses fort dangereuses de mauvais temps, le haut du banc n’ayant que de trois à quatre brasses d’eau. Elles mettent seize à dix-sept lieues au large. Il y a passage à terre ; mais il faut le bien connaître pour le tenter : encore ne sais-je si les navires d’un grand tirant d’eau y en trouveraient assez. Les Portugais qui font le cabotage de la côte du Brésil sur de petits bâtiments, passent par ce chenal ; mais il est arrivé à plusieurs d’y toucher. Le fond entre la terre et les basses est de sable semblable à du cristal pilé, et sur le banc il est de pierres pourries. Je m’y suis trouvé en 1763, et je n’y fus pas sans inquiétude.

La nuit du 17 au 18, nous prîmes des oiseaux dont l’espèce est connue des marins sous le nom de Charbonniers. Ils sont de la grosseur d’un pigeon. Ils ont le plumage d’un gris foncé, le dessus de la tête blanc, entouré d’un cordon gris plus noir que le reste du corps, le bec effilé, long de deux pouces et un peu recourbé par le bout, les yeux vifs, les pattes jaunes semblables à celles des canards, la queue très fournie de plumes et arrondie par le bout, les ailes fort découpées et chacune d’environ huit à neuf pouces d’étendue. Les jours suivants nous vîmes beaucoup de ces oiseaux.

Depuis le 27 janvier, nous avions le fond, et le 29 au soir nous vîmes la terre, sans qu’il nous fût permis de la bien reconnaître, parce que le jour était sur son déclin, et que les terres de cette côte sont fort basses. La nuit fut obscure, avec de la pluie et du tonnerre. Nous la passâmes en panne sous les huniers, tous les ris pris et le cap au large. Le 30, les premiers rayons du jour naissant nous firent apercevoir les montagnes des Maldonades. Alors il nous fut facile