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dont les essaims innombrablesont forcé d’abandonner plusieurs pieds de ces arbres déjà abattus. On vit, il est vrai, cinq ou six sangliers ou cochons marrons, et, depuis ce temps, il y eut toujours des chasseurs occupés à en chercher sans que jamais on en ait tué. C’est le seul quadrupède que nous ayons rencontré ici.

Quelques personnes ont aussi cru y reconnaître les traces d’un chat-tigre. Nous avons tué quelques gros pigeons de la plus grande beauté. Leur plumage est vert-doré. Ils ont le cou et le ventre gris-blanc et une petite crête sur la tête. Il y a aussi des tourterelles, des veuves plus grosses que celles du Brésil, des perroquets, des oiseaux couronnés, et une espèce d’oiseau dont le cri ressemble si fort à l’aboiement d’un chien, qu’il n’y a personne qui n’y soit trompé la première fois qu’on l’entend. Nous avons aussi vu des tortues en différentes parties du canal, mais nous n’étions pas dans le temps de la ponte. Il y a dans cette baie de belles anses de sable, où je crois qu’alors on en pourrait prendre un assez bon nombre.

Tout le pays est montagneux ; le sol y est très léger ; à peine le rocher est-il recouvert. Cependant les arbres y sont de la plus grande élévation, et il y a plusieurs espèces de très beaux bois. On y trouve le bétel, l’areca, et le beau jonc des Indes que nous tirons des Malais. Il croît ici dans les lieux marécageux, mais soit qu’il exige une culture, soit que les arbres qui couvrent entièrement la terre nuisent à son accroissement et à sa qualité, soit enfin que nous ne fussions pas dans la saison de sa maturité, on n’en a point coupé de beaux. Le poivrier aussi est commun ici, mais ce n’était alors ni le temps des fruits, ni celui des fleurs. Le pays est en général peu riche en botanique. Au reste, il n’existe aucune trace qu’il ait jamais été habité à demeure. Il paraît certain que de temps en temps il y passe des Indiens : nous rencontrions fréquemment sur le bord de la mer des endroits où ils s’étaient arrêtés ; on les reconnaissait facilement aux débris de leurs repas.

Le 10, il mourut un matelot à bord de l’Étoile. Sa maladie était compliquée et ne tenait en rien du scorbut. Les trois jours suivants furent très beaux, et nous les employâmes utilement. Nous refîmes