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d’erreur les observations astronomiques et les cartes, que d’en croire susceptibles leurs propres calculs.

Nous aurions pu, d’après un pareil raisonnement, conclure le contraire dans notre traversée à la rivière de la Plata, si un heureux hasard ne nous eût indiqué la raison des différences nord que nous éprouvions. Il était évident que le banc de frai de poissons que nous rencontrâmes le 29 était soumis à la direction d’un courant, et son éloignement des côtes prouvait que ce courant régnait depuis plusieurs jours. Il était donc la cause des erreurs constantes de notre route ; les courants que les navigateurs ont souvent éprouvés porter au sud-ouest dans ces parages, sont donc sujets à des variations et prennent quelquefois une direction contraire.

Sur cette observation bien constatée, comme notre route était à peu près le sud-ouest, je fus autorisé à corriger nos erreurs sur la distance en la faisant cadrer avec l’observation de latitude, et à ne pas corriger l’aire de vent[1]. Je dois à cette méthode d’avoir eu connaissance de terre presque au moment où on me la montrait mon estime. Ceux d’entre nous qui ont toujours calculé leur chemin à l’ouest, d’après l’estime journalière, en se contentant de corriger la différence en latitude que leur donnait l’observation méridienne, étaient à terre, longtemps avant que nous l’eussions aperçue.

En général, il paraît que, dans cette partie, les courants varient, et portent quelquefois au nord-est, plus souvent au sud-ouest. Un coup d’œil sur le gisement de la côte suffit pour prouver qu’ils ne doivent suivre que l’une ou l’autre de ces deux directions ; et il est toujours facile de distinguer laquelle règne, par les différences nord ou sud que donnent les observations de latitude. C’est à ces courants qu’il faut imputer les erreurs fréquentes dont les navigateurs se plaignent.

Il est d’autant plus essentiel de savoir à quoi s’en tenir sur la véritable position de ces côtes et sur les courants qui règnent le plus fréquemment dans ces parages, que, 1° depuis le dix-septième

  1. L’aire est la trente-deuxième partie de la boussole : la rose des vents est divisée en trente-deux aires.