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autour des navires, mais sans vouloir s’approcher ; une seule accosta l’Étoile. Les Indiens semblaient nous inviter par leurs signes à aller à terre ; mais les brisants nous le défendaient. Quoique nous fissions alors sept et huit milles par heure, ces pirogues à la voile tournaient autour de nous avec la même aisance que si nous eussions été à l’ancre. On en aperçut du haut des mâts plusieurs qui voguaient dans le sud.

Dès six heures du matin, nous avions eu la connaissance d’une autre terre dans l’ouest ; des nuages ensuite nous en avaient dérobé la vue ; elle se remontra vers dix heures. Sa côte courait au sud-ouest et nous parut avoir au moins autant d’élévation et d’étendue que la première, avec laquelle elle gît à peu près est et ouest du monde, à la distance d’environ douze lieues. Une brume épaisse, qui s’éleva dans l’après-midi et dura toute la nuit et le jour suivant, ne nous permit pas de la reconnaître. Nous distinguâmes seulement à sa pointe du nord-est deux petites îles de grandeur inégale.

La longitude de ces îles est à peu près la même par laquelle s’estimait être Abel Tasman, lorsqu’il découvrit les îles d’Amsterdam et de Rotterdam, des Pilstaars, du Prince Guillaume, et les bas-fonds de Fleemskerk. C’est aussi celle qu’on assigne à peu de chose près aux îles de Salomon. D’ailleurs les pirogues que nous avons vues voguer au large et dans le sud, semblent indiquer d’autres îles dans cette partie. Ainsi ces terres paraissent former une chaîne étendue sous le même méridien ; ce sera la troisième division, que nous avons nommée l’archipel des Navigateurs. Les îles qui le composent gisent sous le quatorzième parallèle austral, entre cent soixante-et-onze et cent soixante-douze degrés de longitude à l’ouest de Paris.

Le 11 au matin, après avoir gouverné à ouest-quart-sud-ouest depuis la vue des dernières îles, on découvrit la terre dans l’ouest-sud-ouest à sept ou huit lieues de distance. On crut d’abord que c’étaient deux îles séparées, et le calme nous en tint éloignés tout le jour. Le 12, on reconnut que ce n’était qu’une seule île, dont les deux parties élevées étaient jointes par une terre basse, qui paraissait se courber en arc et former une baie ouverte au nord-est. Les