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essentielle de la navigation. Dans nos vaisseaux, la fonction des pilotes est de veiller à ce que les timoniers suivent exactement la route que le capitaine leur ordonne, à marquer tous les changements qu’y font faire ou la qualité des vents, ou les ordres du commandant, et à observer les signaux ; encore ne président-ils à ces détails que sous la direction de l’officier de quart. Assurément les officiers de la marine du roi sortent d’écoles beaucoup plus profondes en géométrie qu’il n’est nécessaire pour connaître parfaitement toutes les lois du pilotage. La classe des pilotes proprement dits est encore chargée du soin des compas de routes et d’observation, des lignes de lock et de sonde, des fanaux, des pavillons, etc., et on voit que ces divers détails ne demandent que de l’exactitude. Aussi mon premier pilote dans ce voyage était-il un jeune homme de vingt ans, le second était du même âge, et les aides-pilotes naviguaient pour la première fois.

Mon estime, comparée deux fois dans ce mois avec les observations astronomiques de M. Verron, diffère la première fois, et c’était à Taïti, de treize minutes dix secondes, dont j’étais plus ouest ; la seconde fois, qui est le 27 à midi, de un degré treize minutes trente-sept secondes, dont j’étais plus est que l’observé. Au reste, les différentes îles découvertes dans ce mois forment la seconde division des îles de ce vaste océan. Je l’ai nommée l’archipel de Bourbon.

Le 3 mai, presque à la pointe du jour, nous découvrîmes une nouvelle terre dans le nord-ouest à dix ou douze lieues de distance. Les vents étaient de la partie du nord-est, et je fis gouverner au vent de la pointe septentrionale de cette terre, laquelle est fort élevée, dans l’intention de la reconnaître. Les connaissances nautiques d’Aotourou ne s’étendaient pas jusque-là, car sa première idée, en voyant cette terre, fut qu’elle était notre patrie. Dans la journée nous essuyâmes quelques grains, suivis de calme, de pluie et de brises du ouest, tels que dans cette mer on en éprouve aux approches des moindres terres. Avant le coucher du soleil, nous reconnûmes trois îles, dont une beaucoup plus considérable que les deux