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CHAPITRE IV.

Direction de la route au sortir de Taïti. — Vue de nouvelles îles. — Échanges faits avec les insulaires. — Description de ces insulaires. — Suite d’îles. — Situation critique où nous nous trouvons. — Rencontre de nouvelles terres. — Débarquement à une des îles. — Attaque des Français par les insulaires. — Description de ces insulaires. — Continuation de la route entre les terres. — Les grandes Cyclades.


On a vu combien la relâche à Taïti avait été mélangée de bien et de mal ; l’inquiétude et le danger y avaient accompagné nos pas jusqu’aux derniers instants, mais ce pays était pour nous un ami que nous aimions avec ses défauts. Le 16 avril, à huit heures du matin, nous étions environ à dix lieues dans le nord-est-quart-nord de sa pointe septentrionale, et je pris de là mon point de départ. À dix heures nous aperçûmes une terre sous le vent, qui paraissait former trois îles ; on voyait encore l’extrémité de Taïti. À midi nous reconnûmes parfaitement que ce que nous avions pris pour trois îles n’en était qu’une seule, dont les sommets nous avaient paru isolés dans l’éloignement. Par-dessus cette nouvelle terre, nous crûmes en voir une plus éloignée. Cette île est d’une hauteur médiocre et couverte d’arbres ; on peut l’apercevoir en mer de huit ou dix lieues. Aotourou la nomme Oumaitia. Il nous a fait entendre, d’une manière non équivoque, qu’elle était habitée par une nation amie de la sienne, qu’il y avait été plusieurs fois, et que nous y trouverions le même accueil et les mêmes rafraîchissements qu’à Taïti.

Nous perdîmes Oumaitia de vue dans la journée, et je dirigeai ma route de manière à ne pas rencontrer les îles pernicieuses, que les désastres de l’amiral Roggewin nous avertissaient de fuir. Deux jours après, nous eûmes une preuve incontestable que les habitants des îles de l’océan Pacifique communiquent entre eux, même à des distances considérables. L’azur d’un ciel sans nuages laissait étinceler les étoiles ; Aotourou, après les avoir attentivement considérées, nous fit remar-