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CHAPITRE III.

Description de Taïti. — Sa position géographique. — Aspect du pays. — Ses productions. — Usages. — Vêtements. — Superstitions. — Mœurs et caractère des insulaires. — Détails sur le Taïtien amené en France. — Son séjour à Paris. — Son départ de Paris.

             Lucis habitamus opacis,

Riparumque toros et prata recentia rivis

       Incolimus.
Virgile, Liv., VI.


Lîle, à laquelle on avait d’abord donné le nom de nouvelle Cythère, reçoit de ses habitants celui de Taïti. Sa latitude de dix-sept degrés trente-cinq minutes trois secondes à notre camp, a été conclue de plusieurs hauteurs méridiennes du soleil observées à terre avec un quart de cercle. Sa longitude de cent-cinquante degrés quarante minutes dix-sept secondes à l’ouest de Paris a été déterminée par onze observations de la lune, selon la méthode des angles horaires.

Entre la pointe du sud-est et un autre gros cap qui s’avance dans le nord à sept ou huit lieues de celle-ci, on voit une baie ouverte au nord-est, laquelle a trois ou quatre lieues de profondeur. Les côtes s’abaissent insensiblement jusqu’au fond de la baie, où elles ont peu d’élévation, et paraissent former le canton le plus beau de l’île et le plus habité. Il semble qu’on trouverait aisément plusieurs bons mouillages dans cette baie : le hasard nous servit mal dans la rencontre du nôtre. En entrant ici par la passe par laquelle est sortie l’Étoile, M. de la Giraudais m’a assuré qu’entre les deux îles les plus septentrionales il y avait un mouillage fort sûr pour trente vaisseaux au moins, depuis vingt-trois jusqu’à douze et dix brasses, fond de sable gris vaseux, qu’il y avait une lieue d’évitage et jamais de mer. Le reste de la côte est élevé, et elle semble en général être toute bordée par un récif inégalement couvert d’eau, et qui forme en quelques endroits de petits îlots, sur lesquels les insulaires entretiennent des feux pendant la nuit, pour la pêche et la sûreté de leur