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couvert de bois. À peine en crûmes-nous nos yeux, lorsque nous découvrîmes un pic chargé d’arbres jusqu’à sa cime isolée, qui s’élevait au niveau des montagnes dans l’intérieur de la partie méridionale de l’île. Il ne paraissait pas avoir plus de trente toises de diamètre, et il diminuait de grosseur en montant ; on l’eût pris de loin pour une pyramide d’une hauteur immense que la main d’un décorateur habile aurait parée de guirlandes de feuillage. Les terrains moins élevés sont entrecoupés de prairies et de bosquets, et, dans toute l’étendue de la côte, il règne sur les bords de la mer, au pied du pays haut, une lisière de terre basse et unie, couverte de plantations. C’est là qu’au milieu des bananiers, des cocotiers et d’autres arbres chargés de fruits, nous apercevions les maisons des insulaires.

Comme nous prolongions la côte, nos yeux furent frappés de la vue d’une belle cascade qui s’élançait du haut des montagnes et précipitait à la mer ses eaux écumantes. Un village était bâti au pied et la côte y paraissait sans brisants. Nous désirions tous de pouvoir mouiller à portée de ce beau lieu ; sans cesse on sondait des navires et nos bateaux sondaient jusqu’à terre : on ne trouva dans cette partie qu’un platier de roches et il fallut se résoudre à chercher ailleurs un mouillage.

Les pirogues étaient revenues au navire dès le lever du soleil et toute la journée on fit des échanges. Il s’ouvrit même de nouvelles branches de commerce : outre les fruits de l’espèce de ceux apportes la veille et quelques autres rafraîchissements, tels que poules et pigeons, les insulaires apportèrent avec eux toutes sortes d’instruments pour la pêche, des herminettes de pierre, des étoffes singulières, des coquilles, etc. Ils demandaient en échange du fer et des pendants d’oreilles. Les trocs se firent, comme la veille, avec loyauté. À bord de l’Étoile, il monta un insulaire qui y passa la nuit sans témoigner aucune inquiétude.

Nous l’employâmes encore à louvoyer, et, le 6 au matin nous étions parvenus à l’extrémité septentrionale de l’île. Une seconde s’offrit à nous, mais la vue de plusieurs brisants qui paraissaient défendre le passage entre les deux îles, me détermina à revenir