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route aucun bon mouillage, et qu’il est traversé presque dans son milieu par un banc couvert de moules. Il fit ensuite le tour de l’île de Louis-le-Grand par le sud, et rentra dans le canal de Magellan sans en avoir trouvé aucun autre.

Ce rapport me fit penser que le vrai canal de la Sainte-Barbe était vis-à-vis la baie même où nous étions.

La connaissance parfaite du canal de la Sainte-Barbe serait d’autant plus intéressante qu’elle abrégerait considérablement le passage du détroit de Magellan. Il n’est pas fort long de parvenir jusqu’au port Galant ; le point le plus épineux avant que d’y arriver est de doubler le cap Forward, ce que la découverte de trois ports à la terre de Feu rend à présent assez facile : une fois rendus au port Galant, si les vents défendent le canal ordinaire, pour peu qu’ils prennent du nord, on aurait le débouquement ouvert vis-à-vis de ce port ; vingt-quatre heures alors suffisent pour entrer dans la mer du sud. J’avais intention d’envoyer deux canots dans ce canal, que je crois fermement être celui de la Sainte-Barbe, lesquels auraient rapporté la solution complète du problème. Le gros temps ne me l’a pas permis.

Le 21, le 22 et le 23, les rafales, la neige et la pluie durèrent presque sans relâche. Dans la nuit du 21 au 22, il y avait eu un intervalle de calme ; il sembla que le vent ne nous donnait ce moment de repos que pour rassembler toute sa furie et fondre sur nous avec plus d’impétuosité. Un ouragan affreux vint tout d’un coup de la partie du sud-sud-ouest et souffla d’une manière à étonner les plus anciens marins. Les deux navires chassèrent, il fallut mouiller la grande ancre, amener basses vergues et mâts de hune, notre artimon fut emporté sur ses cargues. Cet ouragan ne fut heureusement pas long. Le 24, le temps s’adoucit, il fit même beau soleil et calme et nous nous remîmes en état d’appareiller. Depuis notre rentrée au port Galant, nous y avions pris quelques tonneaux de lest et changé notre arrimage pour tâcher de retrouver la marche de la frégate ; nous réussîmes à lui en rendre une partie. Au reste, toutes les fois qu’il faudra naviguer au milieu des courants, on éprouvera toujours