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quart de lieue. Cette passe conduit à l’entrée de la baie Bougainville, qui est encore couverte par deux autres îlots, dont le plus considérable a mérité le nom d’îlot de l’Observatoire. La baie ouverte au sud-est est longue de deux cents toises et large de cinquante ; de hautes montagnes l’environnent et la défendent de tous les vents ; aussi la mer y est-elle toujours comme l’eau d’un bassin.

Nous mouillâmes à trois heures à l’entrée de la baie par vingt-huit brasses d’eau, et nous envoyâmes aussitôt à terre des amarres pour nous haler dans le fond. L’Étoile, qui avait mouillé son ancre du large par un trop grand fond, chassa sur l’îlot de l’Observatoire ; et avant qu’elle eût pu roidir les amarres portées à terre pour la soutenir, sa poupe vint à quelques pieds de l’îlot, ayant encore au-dessous d’elle trente brasses d’eau. La côte du nord-est de cet îlot n’est pas aussi escarpée. Nous employâmes le reste du jour à nous amarrer, la proue au large, ayant une ancre devant mouillée par vingt-trois brasses de sable vaseux, une ancre à jet derrière presque à terre, deux grelins à des arbres sur la côte de bâbord, et deux sur l’Étoile, laquelle était amarrée comme nous. On trouva auprès du ruisseau deux cabanes de branchages, lesquelles paraissaient abandonnées depuis longtemps. J’y avais fait construire une cabane d’écorce en 1765, dans laquelle j’avais laissé quelques présents pour les sauvages que le hasard y conduirait, et j’avais attaché au-dessus un pavillon blanc : on trouva la cabane détruite, le pavillon et les présents enlevés.

Le 18 au matin, j’établis un camp à terre pour la garde des travailleurs et des divers effets qu’il y fallait descendre ; on débarqua aussi toutes les pièces à l’eau pour les rebattre et les soufrer ; on disposa des mares pour les lavandiers, et on échoua notre chaloupe qui avait besoin d’un radoub. Nous passâmes le reste du mois de décembre dans cette baie, où nous fîmes fort commodément notre bois et même des planches. Tout y facilitait cet ouvrage ; les chemins se trouvaient pratiqués dans la forêt, et il y avait plus d’arbres abattus qu’il ne nous en fallait, reste du travail de l’équipage de l’Aigle en 1765. Nous y avons aussi donné une demi-bande et monté