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observation du 3 de ce mois. Nous profitâmes aussi de cette observation pour assurer la latitude du cap de Possession et celle du cap du Saint-Esprit à la terre de Feu, la première par cinquante-deux degrés vingt-cinq minutes, la seconde par cinquante-deux degrés quarante-quatre minutes.

Nous continuâmes à louvoyer sous les quatre voiles majeures toute la journée du 6 et la nuit suivante qui fut très claire, sondant souvent et ne nous éloignant jamais de plus de trois lieues de la côte du continent. Nous gagnions peu à ce triste exercice, les marées nous retirant ce qu’elles nous donnaient, et le 7 à midi nous étions encore sous le cap de Possession. Le cap d’Orange nous restait dans le sud-ouest environ à six lieues. Ce cap, remarquable par un mondrain assez élevé et coupé du côté de la mer, forme au sud l’entrée du premier goulet. Sa pointe est dangereuse par une bâture qui s’étend dans le nord-est du cap, au moins à trois lieues au large : j’ai vu fort distinctement la mer briser dessus. À une heure après-midi, le vent avait passé au nord-nord-ouest, et nous en profitâmes pour faire bonne route. À deux heures et demie, nous étions parvenus à l’entrée du goulet ; un autre obstacle nous y attendait : jamais, avec un bon frais de vent et toutes voiles dehors, nous ne pûmes refouler la marée. À quatre heures, elle filait près de deux lieues le long de notre bord, et nous reculions. En vain persistâmes-nous à vouloir lutter. Le vent fut moins constant que nous, et il fallut rétrograder. Il était à craindre de se trouver en calme dans le goulet, exposés aux courants des marées qui pouvaient nous jeter sur les bâtures des caps d’Orange et Entrana, qui en font l’entrée à l’est et à l’ouest.

Nous gouvernions au nord-quart-nord-est pour venir chercher un mouillage dans le fond de la baie de Possession, lorsque l’Étoile, qui était plus à terre que nous, ayant passé tout d’un coup de vingt brasses de fond à cinq, nous arrivâmes vent arrière le cap à l’est, pour nous écarter d’une bâture qui paraissait régner au fond et dans tout le circuit de la baie. Pendant quelque temps nous ne trouvâmes qu’un fond de rochers et de cailloux, et ce ne fut qu’à sept