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parut jouer son rôle tout à fait ridicule, car la plus cocue des deux n’était pas pour moi celle qui m’embrassait ; et cette complication plus sentimentale que charnelle, ce renversement des réalités sous les chimères, me causa un tel trouble que je fis à Mauricette un signe de hâte.

On ne pouvait nous entendre. Elle me dit tout bas :

« À moi, maintenant ?

— Plus que tu ne penses. Ne me répète plus cette histoire de moutarde, c’est fini. Je te dépucelle. »

Son regard flamba ; elle dressa les seins, ouvrit les lèvres pour crier : « Oui ! » Mais elle se tut ; et, par un brusque virage de sa volonté fantasque, elle murmura :

« Viens ! Je te dirai ça derrière la porte ! »

Gentille, elle embrassa Lili, lui chatouilla les côtes, la fit rire, la jeta pour l’occuper dans les jambes de sa mère et sortit vivement sur mes pas.

« Lequel de nous deux en a le plus envie ? dit-elle en me serrant.

— C’est moi.

— Ce que tu te fourres le doigt dans l’œil… Enfin !… Merci de le dire et tant mieux si tu le crois… Attends encore une heure, veux-tu ? »

Mon visage pâlit, changea et elle me vit mécontent avant que j’eusse ouvert la bouche.

« Alors il faut que je te dise tout ! fit-elle en me serrant davantage. Tu n’as pas entendu ce que disait maman ? J’ai un pucelage en cuir comme était celui de Charlotte. Ce sera une boucherie… »