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vieille formule d’Érasme, tant de fois copiée depuis et qu’on retrouve dans tous les manuels.

Teresa n’avait que deux moyens de faire taire Lili ou de clore l’incident. Elle lui en donna le choix :

« Veux-tu te coucher, insecte ! Sais-tu l’heure qu’il est ? »

Ici, Lili fit un geste… Oh ! je ne conseille pas à mes jeunes lectrices de répondre ainsi à leurs parents ! Elle tourna le dos, présenta les fesses et ouvrit la main comme pour un pied-de-nez, en se fourrant le pouce dans le derrière.

Teresa lui donna de la main deux claques sonores au même endroit, puis l’enleva dans ses bras toute légère, se la frotta sur les seins, la fit rire et lui dit :

« Tu ne veux pas te coucher ? tu veux voir dépuceler Mauricette ? Eh bien ! fais-nous des intermèdes. Va te costumer. On t’attendra. »

Si putain qu’elle fût, la petite Lili était trop naïve pour comprendre qu’on voulait se débarrasser d’elle. D’un saut joyeux, elle quitta la chambre…

Teresa nous sourit, à Ricette et à moi. Puis elle se retourna… Elle regarda Charlotte… et la scène qu’elle fit me fut plus pénible peut-être que celle dont j’avais toujours les accents dans l’oreille et que Ricette en fureur lui avait infligée. Que se passa-t-il dans son esprit ? je ne sais. Par un sentiment plus humain que maternel, eut-elle besoin de rendre à l’une de ses filles les injures qu’une autre lui avait dites ? Ou s’énervait-elle plus que nous tous au « pro-