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— J’en suis honteux ! interrompis-je. J’en ferais davantage avec la négresse de bordel dont tu me parlais tout à l’heure et je n’aurais pas d’elle l’horreur que j’ai de toi. »

À ce mot, elle resta immobile et frémissante sur moi — car elle était sur moi et la souplesse de son corps lui permettait de se joindre ainsi par où elle prenait son plaisir.

Et alors, suspendant à la fois par son immobilité sa jouissance avec la mienne, elle me dit avec triomphe :

« Enfin ! Tu as compris que je ne suis pas ta putain !

— Mais tu es pire !

— Pire ! Tu l’as dit ! Je suis pire ! Mais je suis autre chose. La putain est celle qui se soumet aux vices des hommes. Moi, je te donne les miens, je te les apprends. Je t’en donne le goût.

— Jamais, jamais tu ne me donneras le goût de celui-là !

— Ha ! ha ! mais sens donc ce que tu fais ! Tu n’as jamais voulu que me baiser, et voilà quatre fois, quatre fois que tu m’encules parce que je le veux. Alors suis-je ta putain, dis-le, suis-je ta putain ?

— Si tu dis un mot de plus…

— Tu m’entendras ! fit-elle avec ferveur. Engueule-moi ! Bats-moi ! Crache-moi dans la bouche ! Mais je te défie de débander ! »

Elle me tenait de toutes ses forces et menaçait des dents ce que ses mains ne tenaient pas. Et j’étais toujours en elle et elle me tenait par là comme par les deux poings.