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paroles et rentra dans la chambre à coucher.

Ôtant sa chemise qu’elle jeta sur un fauteuil, elle se coucha nue auprès de Charlotte, la prit dans ses bras, l’éveilla, et dès ses premiers mots je compris qu’elle savait mieux que moi ce qu’il fallait lui dire.

Charlotte ouvrit des yeux égarés. Sa mère la secoua des deux mains et lui dit avec une brusquerie aimante :

« Qu’est-ce que tu fous là, petit chameau ?

— Maman ! fit Charlotte, les bras au cou, et avec une voix d’enfant.

— Croix-tu que tu peux m’embrasser avec cette bouche de putain ? Qu’est-ce que tu viens de faire ? ta langue sent le foutre.

— J’en ai bu ! dit Charlotte en faisant les doux yeux.

— Saloperie que tu es ! Pourquoi ne couches-tu pas chez ta mère ? Pourquoi est-ce que je te trouve à poil à trois heures du matin dans le lit d’un jeune homme que tu ne connais pas ? Qu’est-ce que tu mérites ? »

Assis au pied du lit, j’écoutais ce dialogue avec une sorte d’ahurissement.

Faut-il rappeler ici que j’avais vingt ans et Charlotte aussi. Qu’une jeune fille de vingt ans domine comme il lui plaît un jeune homme de son âge ? Et sous mes yeux je voyais gronder Charlotte comme une petite fille !… Et cette Charlotte, qui luttait dans mes bras quand je la traitais en femme, trouvait tout naturel que sa mère lui parlât comme à une enfant de sept ans ?

Teresa me jeta un regard qui signifiait :