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vantes, et le vieux satyre, fils de Pan, regardait la jeunesse des bois descendre éternellement de ses lèvres.

Au-dessus du mascaron cornu, que la blanche Aline prenait pour le diable, deux nymphes de marbre s’enlaçaient, debout et penchées sur le bassin obscur. À la fin de chaque hiver l’amandier les couvrait de ses petites églantines. L’été, elles prenaient sous le soleil toutes les couleurs de la chair. La nuit elles redevenaient déesses.


Près de cette eau fertile et sombre qu’on nommait le Miroir des Nymphes, la petite Princesse en robe Empire vit venir à elle son Prince Charmant qui remuait sa veste à paillettes dans l’aube d’une lune enchantée.

Elle l’aperçut du plus loin qu’il se montra sous les arbres, semblable à une fine étoile blanche. Puis elle le vit grandir et se préciser. Il marchait d’un pas tranquille, cueillait parfois des feuilles aux rameaux et les respirait comme des corolles. Il paraissait et s’éclipsait selon les zones d’ombre et de clarté. Line ne s’était jamais sentie aussi émue. Si jalouse qu’elle fût de l’embrasser tout de suite, elle recula jusqu’à la fontaine et, la main devant la bouche, n’osa pas lui dire un mot.