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V

LA PETITE BERGÈRE

« Ici, dans ce fourré de buissons, tu peux bien te déshabiller.

— Et pis que ça sera pas long, mam’zelle. J’ai pas de chemise. J’ôte mon caraco, v’là mes tétons. J’ôte mon cotillon, v’là mon cul.

— Tu es gentille… tu es très gentille toute nue. Mais dis-moi, Margot, est-ce que tu ne te laves jamais ?

— Oh ! jamais mam’zelle, pour quoi faire ? J’vas toujours pieds nus, jambes nues. Sitôt lavée, je me resalirais.

— Mais plus haut, tes cuisses, Margot, tes petites fesses ?

— C’est comme le reste, vous pensez. Quand je m’assois, pour pas crotter mon cotillon, c’est mon cul que je mets par terre.

— Mais… par-devant ?

— Mon cul d’devant, mam’zelle, il se lave tout seul. Il est toujours mouillé comme vous pouvez voir… Me le chatouillez pas, je vous jouirais sur le doigt… Et pis comme dit maman, c’est le foutre des garçons qui lave le cul des filles… Sauf vot’ respect que je dis tout ça mam’zelle. Faut pas rougir pour si peu.

— Tu en vois beaucoup, des garçons ?

— Dame, tous ceux qui me demandent. Ça se refuse pas. Ils ont une pine et moi un con, c’est pour mettre l’un dans l’autre, pas vrai ?

— Et ça ne leur fait rien que tu sois noire de crasse ?

— Au contraire. Je sens la fille. Ça les fait bander. »