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III

L’ART D’ÊTRE MÈRE

« Vous devriez accepter, ma bonne. Cinq cents francs, ça ne se refuse pas.

— Mais, la pauvre gosse, elle a neuf ans et demi. Il me la défoncera !

— Allons donc. Est-ce qu’il n’en a pas l’habitude ? Tenez, je vais tout vous dire, j’ai confiance en vous. Savez-vous combien je lui en ai amené ! depuis le commencement de l’hiver, moi qui vous parle ?

— Des petites filles ?

— Quatorze, que je lui ai procurées. Et vous savez, ni poils ni tétons ; autrement il n’en veut pas. Eh bien, il n’y en a pas une qui me soit revenue blessée. Je vous dis, c’est un homme qui sait s’y prendre. Quand elles sont trop étroites, il les prend autrement.

— Comment ça ?

— Oh ! quoi ! quand votre Nini aurait un peu de sauce dans la bouche, c’est pas ça qui l’empoisonnerait.

— C’est dégoûtant tout de même de commencer si jeune.

— Mon Dieu, autant vaut à neuf ans qu’à seize. Plus tôt elle vous rapportera, mieux vous l’aimerez, vous verrez ça. Et puis elle a des cochons de petits yeux… On en sera content. Je vous aurai des amateurs, n’ayez crainte. »