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« Non ! pas celui-là. Le miroir de Rhodopis ! Elle en vaut la peine. »


D’un seul bond, Chrysis s’était redressée.

Un flot de sang lui monta aux joues, puis redescendit, et elle resta parfaitement pâle, la poitrine heurtée par des battements de cœur, les yeux fixés sur la porte par où l’esclave était sortie.

Cet instant décidait de toute sa vie. La dernière espérance qui lui fût restée allait s’évanouir ou se réaliser.

Autour d’elle la fête continuait. Une couronne d’iris, lancée on ne savait d’où, vint s’appliquer sur sa bouche et lui laissa aux lèvres l’âcre goût du pollen. Un homme répandit sur ses cheveux une petite fiole de parfum qui coula trop vite en lui mouillant l’épaule. Les éclaboussures d’une coupe pleine où l’on jeta une grenade tachèrent sa tunique de soie et pénétrèrent jusqu’à sa peau. Elle portait magnifiquement toutes les souillures de l’orgie.

L’esclave sortie ne revenait pas.

Chrysis gardait sa pâleur de pierre et ne bougeait pas plus qu’une déesse sculptée. La plainte rhythmique et monotone d’une femme