Page:Louÿs - Aphrodite. Mœurs antiques, 1896.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les grands esprits, je ne ferai que constater la valeur d’un lieu commun, tant il est prouvé que les intelligences supérieures d'artistes, d’écrivains, d'hommes de guerre ou d'hommes d’état n’ont jamais tenu pour illicite sa majestueuse tolérance. Aristote débute dans la vie en dissipant son patrimoine avec des femmes de débauche ; Sapho donne son nom à un vice spécial ; César est le mœchus calvus ; — mais on ne voit pas non plus Racine se garder des filles de théâtre, ni Napoléon pratiquer l'abstinence. Les romans de Mirabeau, les vers grecs de Chénier, la correspondance de Diderot et les opuscules de Montesquieu égalent en hardiesse l’œuvre même de Catulle. Et, de tous les auteurs français, le plus austère, le plus saint, le plus laborieux, Buffon, veut-on savoir par quelle maxime il entendait conseiller les intrigues sentimentales : « Amour ! pourquoi fais-tu l’état heureux de tous les êtres et le malheur de l’homme ? — C’est qu’il n’y a dans cette passion que le physique qui soit bon, et que le moral n’en vaut rien. »

D’où vient cela ? et comment se fait-il qu’à travers le bouleversement des idées antiques la