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qui a écrit ce livre a dû être bien malheureux. »

Là, je restai quelques instants sans rien dire, et je repris bientôt la conversation en la mettant sur le terrain politique, et là-dessus Georges s’enflamma.

« Pourquoi, lui disais-je, cherche-t-on maintenant à renverser et à chasser de plus en plus cette religion qui a sa base sur de si beaux enseignements ?

— C’est pour le bien des hommes, répondit-il, et pour faire respecter justement la plupart de ces enseignements que les catholiques méconnaissent. On a renversé cette religion pour établir l’égalité que l’Évangile enseigne et que les prêtres n’ont jamais pratiquée, pour rendre heureux ceux que le sort a fait naître dans les basses classes, pour les secourir en général, de façon à mieux les soulager, sans leur donner l’aumône au coin d’une rue, sans les humilier, pour faire soigner ces malheureux gratuitement par les plus grands médecins de France, sans les entasser à quinze dans un même lit comme avant la Révolution. C’est la Révolution qui a fait toutes ces réformes. Après dix-huit siècles, la religion catholique n’avait pas su encore pratiquer la charité, et il a fallu qu’on la détrônât pour que la charité pût exister. C’est la différence qu’il y a entre les mots et les actions… entre les mots et les actions. » Et il le répéta plusieurs fois.