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« Il est venu chez Félix, il a fait sa demande. Félix lui a dit ce qu’on dit en pareil cas : « Vous êtes le meilleur des partis, un charmant jeune homme, brave, spirituel, affectueux, etc… Touchez là, vous n’aurez pas ma fille. »

Sarcey a continué longtemps sur ce ton-là, au milieu de l’hilarité générale.

Il ne cessait de nous répéter que Polyeucte était beaucoup moins invraisemblable qu’on ne le dit, que les auteurs dramatiques se figuraient qu’il n’y avait pas d’honnêtes femmes. « Mais il y en a ! Mais j’en ai connu cinquante qui feraient ce que fait Pauline. Il y a même des scènes entières de Polyeucte que j’ai vues sous mes yeux. En 52, un professeur de mes amis voulait absolument descendre dans la rue, disant que c’était son devoir, et, devant moi, sa femme l’a supplié, conjuré de ne pas y aller, elle sanglotait, elle l’embrassait, elle le tortillait, elle le serrait dans ses bras, et patati et patata… et il n’y est pas allé ! »

« Mais c’est la vraisemblance même que Polyeucte ! »

Et maintenant que je l’ai vu, je suis de son avis.

« Et le coup de foudre, continuait Sarcey, qui amène la conversion de Pauline, est un trait de génie, de génie ! Quand Polyeucte présente Sévère à Pauline comme époux, Pauline, qui se sait aimée, idolâtrée de Polyeucte, conçoit tout à coup pour son mari une admiration immense ! Il lui apparaît