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Il était quatre heures du matin. J’avais la fièvre. De poignants désirs me ramenaient vers elle, et toujours, dans mon assoupissement, sa gracieuse image flottait dans mes yeux. Je pensais à autre chose, mais je ne pouvais pas, j’avais sa voix dans l’oreille, son sourire devant mes yeux, ses moindres mots dans la tête. Toujours Sarah, Sarah, Sarah, sa grâce, sa jeunesse et sa beauté.

Ce matin j’ai été à l’école. M. Bémont nous a parlé de la révocation de l’édit de Nantes, mais je n’écoutais pas, je me répétais les mots de Sarah, enfin toujours elle.

Et ce soir, comme je suis triste, comme j’ai le cœur serré, et les yeux pleins de larmes, comme un grand enfant que je suis !

Si ça continue longtemps, j’en deviendrai fou.

Il n’y a plus qu’une femme pour moi maintenant, c’est elle. Les autres… Ah !

Sarah, il n’y a que toi, tu es divine, tu es unique, tu es grande, tu es sublime, tu es extraordinaire.


Mardi, 17 janvier 88.

Je viens d’écrire à Sarah. J’avais cela sur le cœur, je voulais lui dire ce que je pensais d’elle. Elle jettera ma lettre au feu sans la lire, c’est bien possible. Mais j’ai confiance pourtant : elle qui aime tant la gloire, l’enthousiasme d’un collégien devra lui faire plaisir.