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forces et de ce qui est en moi pour composer autour de vous un bonheur qui vous agrée. Mais ne pleurez plus. Je ne suis pas dans vos bras, je suis à vos pieds. Ce que vous souhaiterez s’accomplira. Ce que vous ne souhaiterez pas sera mis à néant. Vous le voyez, ce n’est pas moi qui vous ai entraînée ici. Vous êtes venue de votre plein gré, aussi libre de vous que vous le serez toujours. Rien ne se fera que je ne l’aie lu dans vos yeux avant d’y élever ma pensée. Si vous me repoussiez, je m’en irais, je vous le jure. Mon bonheur est une chose à vous dont vous ferez ce qu’il vous plaira. Quand vous voudrez le briser je vous dirai simplement : Vous vous êtes donnée, vous vous êtes reprise ; soyez bénie, Psyché. »

Elle eut un soupir saccadé comme une femme qui suffoque :

« Aimez-moi bien !… » sanglota-t-elle

Puis elle répéta plusieurs fois :

« Pardon !… Pardon !… Je ne veux plus pleurer… comme chaque soir autrefois… C’est fini… C’est le passé… J’ai besoin d’être heureuse… Ah ! quand je vous dirai ce qu’a été ma vie !… Pas une affection à moi. Pas une main à serrer comme je serre la vôtre… Je ne sais pas du tout ce que c’est que le bonheur et je suis épouvantée de me livrer à vous… »

Alors, comme elle penchait la tête en arrière, Aimery s’inclina lentement vers sa bouche.

Elle vit l’ombre du visage descendre peu à peu