quelqu’un ? Est-ce que le printemps de ce parc est fait pour le jardinier qui l’arrose ? Est-ce que cet homme qui passe est né pour cette fille qui lui parle en extase, et s’il n’existait pas, n’aurait-elle pas aimé ? Vous ne savez pas ce que c’est que l’Amour et vous croyez lui échapper quand il vous tient tout entière.
— Que voulez-vous dire ? fit-elle sans force.
Il hésita un instant et reprit avec un sourire :
« Écoutez-moi. Vous connaissez la légende de Psyché, votre patronne ?
— Je ne savais pas qu’elle fût canonisée, sourit-elle vaguement.
— Psyché, comme vous, fut ravie par un adolescent mystérieux qui ne voulait ni dire son nom ni montrer son visage, et elle fut à lui sans savoir que cet inconnu était l’Amour.
— Le mien est plus mystérieux encore car rien ne m’avertit de sa présence. Mes larmes, dites-vous ? Si c’est lui qui me fait pleurer, j’aime mieux ne pas le connaître. Je me sens malheureuse ce matin comme je ne l’ai jamais été.
— Il nous donne assez de joies pour se permettre aussi de nous faire souffrir.
— Et quelles joies m’a-t-il données ? Je n’ai plus de mari si je puis dire que j’en aie jamais eu un. Je n’ai pas d’amant, je n’ai pas d’amis. Je vis seule, misérablement seule…
— Seule avec lui. Votre œil brille, c’est lui qui