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« Connaissez-vous ma nouvelle bague ? C’est Aimery me l’a donnée, samedi soir, pour mes dix-huit ans. Je désirais justement une bague comme celle-là. Il est gentil, Aimery. Il devine toujours ce qui me fera le plus de plaisir. »

Mme Brémondel admira la bague et, sans perdre contenance, reprit :

« Ah ! que ne vous donnerait-on pas ! Les bijoux sont faits pour vous. Tout vous va, l’or et les pierres, l’or qui sied si mal aux blondes vous orne comme une déesse. Savez-vous, madame Aracœli, je voudrais vous voir chaque jour un bijou nouveau…

— Oh ! pourquoi ? J’en ai bien assez.

— Que non, Grand Dieu ! on en donne dix fois plus à des femmes qui ne seraient pas dignes de vous servir. M. Aimery ne connaît pas son bonheur. Il ne vous aime pas comme il devrait. D’abord, pourquoi n’est-il pas là ? Est-ce qu’on fait des voyages quand on a trouvé une amie comme vous ? On ne la quitte pas d’un jour, pas d’une heure. Voilà ce qui s’appelle aimer. Vous mériteriez un amant comme il y en a, qui passerait sa vie à vos pieds.

— Sa vie à mes pieds, Brémondel ! Mais il s’ennuierait à périr !

— M. Aimery, peut-être, mais un autre, non.

— Et comment saurait-il qu’il m’aime, s’il ne sentait jamais que je manque à son lit ? Aimy