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jusqu’à elle ; et ses yeux bleus grandirent, devinrent tout à coup si graves que si on lui avait présenté le viatique, ils n’auraient pas eu d’autre expression.

Les lèvres la frôlèrent. Elle eut un sursaut, déroba les siennes…

Puis les laissa toucher.

Insensiblement, Aimery l’avait enlacée. Une main soutenait son corps et l’autre sa nuque. Elle respirait de toute sa poitrine, comme oppressée par le souffle d’un songe. Une influence nerveuse et doucement tremblante, une lente émanation d’effluves étranges, un enchantement immense, bienfaisant et léger l’envahissait jusqu’au cœur de sa chair. Ses yeux s’étaient allongés, puis éblouis. Puis elle les avait clos.

Depuis combien d’heures palpitait ce baiser ? Psyché avait perdu la notion du temps. Elle se tenait comme une amoureuse qui de l’âme et du corps s’abandonne à tout ; et pourtant, le jeune homme, ayant paru vouloir dégager doucement une de ses mains discrètes, il lui sembla que par un mouvement de tête elle voulait lui dire : « Non… Pas cela… Pas ici… » Mais elle ne parla point. Les deux bouches ne pouvaient plus se séparer l’une de l’autre.

Une ombre bleue et très sombre tombait de la lampe à demi-voilée. Un coup de sifflet imperceptible, puis sonore, puis assourdissant, puis faible et