Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cience ? Non. Cile avait beaucoup de conscience, mais seulement à l’égard des fautes ou des péchés dont elle comprenait la noirceur. Au troisième étage comme au premier elle était bien résolue à ne rien faire de condamnable. Elle y serait sage, ne casserait rien, marcherait sur la pointe du pied, ne laisserait aucune trace de sa visite secrète…

Un peu tremblante, elle monta.

Chaque marche nouvelle, où ses pantoufles roses n’avaient jamais posé leur semelle flexible, l’effrayait à la fois et l’intéressait comme une bande de terrain vierge dans un voyage de découvertes. Il y en eut vingt-huit jusqu’au sommet. Lorsqu’elle eut atteint la rampe horizontale, Cile se pencha tout émue avec le sentiment de fouler la cime du monde.

Sur le palier, la double porte était restée entr’ouverte. Poussée par l’enfant craintive, elle tourna majestueusement dans l’ombre, telle la porte du Mystère, — et Cile entra, sur la pointe du pied.


II


Cette bibliothèque s’allongeait en forme de cathédrale, très haute, très profonde et très sombre, avec des vitraux au-dessus des rayons. Des multitudes de livres bruns (Cile pensa : plus de dix millions de livres) couvraient les murs à