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et le temps ne s’écoulait pas plus qu’une mare éternellement stagnante.

À la fin, contraint de demeurer et cependant incapable de se taire plus longtemps, il fit preuve d’une jeunesse peut-être un peu récente en tenant à son hôte ce discours imprévu :

— Don Mateo, vous avez toujours été pour moi un homme d’excellent conseil. Voulez-vous me permettre de vous confier un secret et de vous demander un avis ?

— Tout à votre disposition, dit à l’espagnole Mateo en se levant de table pour passer au fumoir.

— Eh bien… voici… c’est une question… balbutia André. Vraiment à tout autre qu’à vous je ne la poserais pas… Connaissez-vous une Sévillane qui s’appelle doña Concepcion Garcia ? »

Mateo bondit :

« Concepcion Garcia ! Concepcion Garcia ! Mais laquelle ? expliquez-vous ! Il y a vingt mille Concepcion Garcia en Espagne ! C’est un nom aussi commun que chez vous Jeanne Duval ou Marie Lambert. Pour l’amour de Dieu, dites-moi son nom de jeune fille. Est-ce P… Perez, dites-moi ? Est-ce Perez ? Concha Perez ? Mais parlez donc !

André, complètement bouleversé par cette émotion soudaine, eut un instant le pressentiment qu’il valait mieux ne pas dire la vérité ; mais il