Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

genre, se dit-il, ne doit pas s’étonner de l’insistance qu’on met à pénétrer chez elle ; elle était seule aux Delicias, elle doit vivre seule ici, et le bruit que je fais n’est entendu que par elle. » Il ne songea pas que le carnaval espagnol autorise des libertés passagères qui ne sauraient se prolonger dans la vie normale avec les mêmes chances d’accueil.

La porte resta close et la maison pleine de silence comme si elle eût été déserte.

Que faire ? Il se promena quelque temps sur la place, devant les fenêtres et les miradores où il espérait toujours voir apparaître le visage attendu, et, peut-être même, un signe… Mais rien ne parut ; il se résigna au retour.

Toutefois, avant de quitter une porte qui se fermait sur tant de mystères, il avisa non loin de là un marchand de cerrillas assis dans un coin d’ombre, et lui demanda :

— Qui habite cette maison ?

— Je ne sais pas, répondit l’homme.

André lui mit dix réaux dans la main et ajouta :

— Dis-le-moi tout de même.

— Je ne devrais pas le dire. La señora se fournit chez moi et si elle savait que je parle sur elle, demain ses mozos s’adresseraient ailleurs, chez le Fulano, par exemple, qui vend ses boîtes à moitié vides. Au moins je n’en dirai pas de mal, je ne médirai pas, cabayero ! Rien que son nom,