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comme des mannequins, le chapeau sur la tête et le menton sur la canne. Tu es fou, je te le dis, tu es fou de faire un scandale pareil quand je n’ai pas un reproche à recevoir de toi.


Elle se serait défendue plus mal encore, je crois que je l’aurais justifiée. J’avais un tel besoin de pardon ! Je ne craignais que de la voir avouer.

Une dernière question me torturait d’avance.

Je la posai tout tremblant :

— Et le Morenito ? … Concha, dis-moi la vérité. Cette fois, je veux savoir. Jure-moi que tu ne me cacheras rien, que tu me diras tout s’il y a quelque chose. Je t’en supplie, ma petite enfant !

— Le Morenito ? Il était dans mon lit ce matin.

Je restai un moment sans conscience, puis mes bras se refermèrent sur elle, et je l’étreignis ne sachant moi-même si je voulais l’étouffer, ou la ravir à quelqu’un d’imaginaire.


Elle le comprit, et tout en riant, elle s’écria :

— Lâche-moi ! lâche-moi, Mateo. Tu es dangereux pour une minute. Tu me prendrais de force dans un accès de jalousie. Bien. Maintenant, reste où tu es ! Je vais t’expliquer… Mon pauvre ami, il n’y a pas de quoi trembler comme tu le fais, je t’assure.

— Tu crois ?