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fermés sous le poids des cils et des paupières. Ils regardaient, ces yeux, comme les sirènes chantent. Qui passait dans leur lumière était invinciblement pris. Elle le savait bien, et de leurs effets elle usait savamment ; mais elle comptait davantage encore sur l’insouciance affectée contre celui que tant d’amour sincère n’avait pu sincèrement toucher.


Les navigateurs qui ont parcouru les mers de pourpre, au delà du Gange, racontent qu’ils ont vu, sous les eaux, des roches qui sont de pierre d’aimant. Quand les vaisseaux passent auprès d’elles, les clous et les ferrures s’arrachent vers la falaise sous-marine et s’unissent à elle à jamais. Et ce qui fut une nef rapide, une demeure, un être vivant, n’est plus qu’une flottille de planches, dispersées par le vent, retournées par les flots. Ainsi Démétrios se perdait en lui-même devant deux grands yeux attirants, et toute sa force le fuyait.

Elle baissa les paupières et passa près de lui.

Il aurait crié d’impatience. Ses poings se crispèrent : il eut peur de ne pas pouvoir reprendre une attitude calme, car il fallait lui parler. Pourtant il l’aborda par les paroles d’usage.

« Je te salue, dit-il.

— Je te salue aussi, » répondit la passante.

Démétrios continua :