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Tel autre qualité avec exubérance :

Je connais une dame au ventre étroit : elle a des cheveux embaumés d’ambre, noirs comme les corbeaux, abondants, nattés.

S’ils reprennent indéfiniment les figures traditionnelles, ils savent à merveille renouveler leur charme. Après avoir cent fois comparé à des perles les dents de son amie, Abi-Ouardi nous enchante par cette simple tournure de phrase :

Ton collier le plus beau est celui de tes dents.

S’ils inventent, c’est avec prudence et logique. El Ançari compare deux yeux à des lacs languissants bordés par la rive noire de la paupière ; et, dans sa langue, la métaphore est toute naturelle puisque le mot ono signifie à la fois « œil » et « source ». Abi Ouardi parle de « paupières en larmes » — et nous ne songeons pas à trouver l’image hyperbolique, tant elle est juste.

Moins voluptueux (ou d’autre façon) que les Hindous, ils s’attardent moins qu’eux à peindre la femme transfigurée par le plaisir passé, abattue par la lassitude des sens. C’est debout et prête à les vaincre, c’est fière et vierge qu’ils l’admirent, comme si leur amour était un combat où le plaisir de lutter est à plus haut prix que la victoire elle-même.