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pas avoir été dépassé, même par nous. Libre, ce théâtre l’est de toutes façons : les pièces de Beaumont et Fletcher, de Marlowe, Massinger, Webster ont une franchise de langage qui n’offusque pas alors le public, mais dont nos censeurs actuels seraient horrifiés. Leurs auteurs les concevaient ainsi. On leur laissa la bride sur le cou. La gloire littéraire de leur pays grandit dans cette indépendance qui est la bonne terre des écrivains.

Après une réaction puritaine qui dura peu, la Restauration anglaise rendit aux auteurs dramatiques la liberté. Une nouvelle école naquit, presque aussi remarquable que son aînée, possédant même certaines qualités de finesse et d’esprit que la précédente n’avait pas au même degré, et cette fois poussant à l’extrême les hardiesses de parole et de situation. Congrève et Wycherley ne pourraient être joués à notre époque sur aucune scène parisienne, mais on connaît assez le rang élevé qu’ils occupent dans leur littérature nationale.

Tel était l’éclat de la scène britannique, lorsqu’un brave homme, un honnête protestant nommé Jeremy Collier, publia une simple brochure sur l’immoralité des spectacles, une Courte Vue, comme il l’intitulait lui-même sans ironie. Son intention était excellente : il ne voulait pas éloigner, mais réformer les dramaturges, et rem-