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étouffé dans leur cerveau l’idée du chef-d’œuvre qui était en eux et qu’ils ont renoncé à écrire devant la certitude du veto ? Que savons-nous si cette espèce de tiédeur que nous reprochons aujourd’hui à Ponsard, Augier ou Scribe, n’est pas due pour une part à l’influence stérilisante qu’exerça la contrainte officielle sur leurs esprits ? Qui nous dira le drame prodigieux que Victor Hugo aurait pu écrire en 1855, s’il n’avait été pour longtemps excommunié de la scène française ?

Ceci est inexplicable : vers le milieu du siècle ; notre littérature, livresque, est à son apogée ; elle est faible au théâtre. Pourquoi ?



Il y a eu près de nous une école dramatique étrangère, qui fut illustre et qui a cessé de l’être. L’exemple que donne son histoire vaut mieux que toutes les théories, car son développement a procédé par révolutions brusques et sa montée comme sa chute sont nettement déterminées par des causes très bien connues.

Sous le règne d’Élisabeth, le théâtre anglais était libre, en fait. Il dut sa grandeur à cette liberté. Shakespeare naît au milieu d’un mouvement dramatique considérable, qui n’a pas d’égal chez les peuples contemporains et qui ne semble