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des jeunes filles qui deviennent nubiles à l’âge de douze ou treize ans et qui ne peuvent à dix-huit ans fonder une famille où il leur semble bon, si leur père prétend avoir ses raisons de leur interdire le mariage. Personne n’a le droit de discuter les motifs de l’opposition. Le père invoque des raisons d’argent : c’est fort bien. Il se croit d’une meilleure famille que celle du prétendant, il n’y a rien à dire. Il préfère garder sa fille malgré elle, sans autres raisons à l’appui : c’est encore parfait. La jeune fille, si elle est amoureuse, peut choisir ce qu’elle aime le mieux, ou de s’enfuir ou de se suicider. Très souvent elle fait l’un ou l’autre. Et ici, comme tout à l’heure, je ne distingue pas très bien l’intérêt de l’État.


Mieux encore : le jeune homme n’est libre qu’à vingt-cinq ans. Nous touchons aux limites de l’absurde. On estime qu’à vingt-deux ans, un homme est assez mûr pour porter les galons de lieutenant. On lui confie quatre-vingt-quinze hommes avec la permission de les envoyer — sans le consentement de son père — se faire massacrer. Et sans ce même consentement on ne lui confie pas une femme qui l’aime assez pour le suivre ? Il peut fonder une maison de commerce, une usine, une société, une colonie, mais non une famille ? Il peut être médecin, professeur, architecte chef de mission ou diplomate, mais on lui