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vie intime est discrète et, dans tous les cas, inféconde. Mais dès que sa conduite aboutit à sa conséquence naturelle, qui est la grossesse, alors tout est perdu.

Il n’y a pas un ménage sur cent capable de supporter le service d’une bonne enceinte. Voilà cette fille dans la rue. Presque toujours son amant l’abandonne. Elle n’a pas de gîte, pas de ressources. Si elle demande du travail on la traite de gueuse et si elle mendie on la flanque en prison.

Oui, je sais bien, l’Assistance Publique la recueille. Savez-vous quand ? Trois jours avant son accouchement. Et savez-vous quand on la met dehors ? Le huitième jour si elle n’a pas de fièvre. Elle ne peut pas marcher ? Qu’elle se couche ! Il y a des bancs dans les avenues.

Maintenant, mettons les choses au mieux. Elle guérit à la belle étoile ; par miracle son enfant ne meurt pas, et par miracle aussi, elle trouve un moyen d’existence, dans l’extrême faiblesse où elle est. Ce métier lui permettra-t-il de transporter du matin au soir un bébé à la mamelle ? Presque jamais. Que fera l’État de cet enfant ? À Paris, la mère peut se présenter aux Enfants Assistés ; si elle n’a pas dix mois de séjour on la mettra simplement à la porte en lui promettant un pied de terre au cimetière de Bagneux dès que son petit sera mort de faim ; si elle a dix mois de séjour, on examinera sa