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grossissait toujours. Ces lames se succédaient, plus énormes, en longues chaînes de montagnes dont les vallées commençaient à faire peur. Et toute cette folie de mouvement s’accélérait, sous un ciel de plus en plus sombre, au milieu d’un bruit plus immense.

C’était bien du très gros temps, et il fallait veiller. Mais, tant qu’on a devant soi de l’espace libre, de l’espace pour courir ! Et puis, justement la Marie, cette année-là, avait passé sa saison dans la partie la plus occidentale des pêcheries d’Islande ; alors toute cette fuite dans l’Est était autant de bonne route faite pour le retour.

Yann et Sylvestre étaient à la barre, attachés par la ceinture. Ils chantaient encore la chanson de Jean-François de Nantes ; grisés de mouvement et de vitesse, ils chantaient à pleine voix, riant de ne plus s’entendre au milieu de tout ce déchaînement de bruits, s’amusant à tourner la tête pour chanter contre le vent et perdre haleine.

— Eh ben ! les enfants, ça sent-il le renfermé, là-haut ? leur demandait Guermeur, passant sa figure barbue par l’écoutille entre-bâillée, comme un diable prêt à sortir de sa boîte.

Oh ! non, ça ne sentait pas le renfermé, pour sûr.