Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/69

Cette page a été validée par deux contributeurs.

franc et honnête, là, à pleine bouche, et devant tout le monde. Lui ne l’avait pas embrassée, bien entendu ; on ne se permettait pas cela avec la fille de M. Mével ; peut-être seulement la serrait-il un peu plus contre sa poitrine, pendant ces valses de la fin, et elle, confiante, ne résistait pas, s’appuyait au contraire, s’étant donnée de toute son âme. Dans ce vertige subit, profond, délicieux, qui l’entraînait tout entière vers lui, ses sens de vingt ans étaient bien pour quelque chose, mais c’était son cœur qui avait commencé le mouvement.

— Avez-vous vu cette effrontée, comme elle le regarde ? disaient deux ou trois belles filles, aux yeux chastement baissés sous des cils blonds ou noirs, et qui avaient parmi les danseurs un amant pour le moins au bien deux. En effet elle le regardait beaucoup, mais elle avait cette excuse, c’est qu’il était le premier, l’unique des jeunes hommes à qui elle eût jamais fait attention dans sa vie.

En se quittant le matin, quand tout le monde était parti à la débandade, au petit jour glacé, ils s’étaient dit adieu d’une façon à part, comme deux promis qui vont se retrouver le lendemain. Et alors, pour rentrer, elle avait traversé cette même