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fils Pierre, et depuis ce temps-là ménagé pour les dimanches, encore bien présentable.

Elle avait continué de se tenir droite dans sa marche, pas du tout comme les vieilles ; et vraiment malgré ce menton un peu trop remonté, avec ces yeux si bons et ce profil si fin, on ne pouvait s’empêcher de la trouver bien jolie.

Elle était très respectée, et cela se voyait, rien que dans les bonsoirs que les gens lui donnaient.

En route elle passa devant chez son galant, un vieux soupirant d’autrefois, menuisier de son état ; octogénaire, qui maintenant se tenait toujours assis devant sa porte tandis que les jeunes, ses fils, rabotaient aux établis. — Jamais il ne s’était consolé, disait-on, de ce qu’elle n’avait voulu de lui ni en premières ni en secondes noces ; mais avec l’âge, cela avait tourné en une espèce de rancune comique, moitié maligne, et il l’interpellait toujours :

— Eh bien ! la belle, quand ça donc qu’il faudra aller vous prendre mesure ?

Elle remercia, disant que non, qu’elle n’était pas encore décidée à se faire faire ce costume-là. Le fait est que ce vieux, dans sa plaisanterie un peu lourde, parlait de certain costume en planches