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un cadavre, ils ont quelque indice pour tout deviner. Mais non, de la Léopoldine on avait rien vu, on ne savait rien. Ceux de la Marie-Jeanne, les derniers qui l’avaient aperçue le 2 août, disaient qu’elle avait dû s’en aller pêcher plus loin vers le nord, et après, cela devenait le mystère impénétrable.

Attendre, toujours attendre, sans rien savoir ! Quand viendrait le moment où vraiment elle n’attendrait plus ? Elle ne le savait même pas, et à présent elle avait presque hâte que ce fût bientôt.

Oh ! s’il était mort, au moins qu’on eût la pitié de le lui dire !…

Oh ! le voir, tel qu’il était en ce moment même, — lui, ou ce qui restait de lui !… Si seulement la Vierge tant priée, ou quelque autre puissance comme elle, voulait lui faire la grâce, par une sorte de double vue, de le lui montrer, son Yann ! lui, vivant, manœuvrant pour rentrer — ou bien son corps roulé par la mer… pour être fixée au moins ! pour savoir !!…

Quelquefois il lui venait tout à coup le sentiment d’une voile surgissant du bout de l’horizon : la Léopoldine, approchant, se hâtant d’arriver ! Alors elle