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trop rempli, voulait déborder et envahir les plages.

Cependant la Léopoldine se faisait de plus en plus diminuée, lointaine, perdue. Des courants sans doute l’entraînaient, car les brises de cette soirée étaient faibles et pourtant elle s’éloignait vite. Devenue une petite tache grise, presque un point, elle allait bientôt atteindre l’extrême bord du cercle des choses visibles, et entrer dans ces au delà infinis où l’obscurité commençait à venir.

Quand il fut sept heures du soir, la nuit tombée, le bateau disparu, Gaud rentra chez elle, en somme assez courageuse malgré les larmes qui lui venaient toujours. Quelle différence, en effet, et quel vide plus sombre s’il était parti encore comme les deux autres années, sans même un adieu ! Tandis qu’à présent tout était changé, adouci ; il était tellement à elle son Yann, elle se sentait si aimée malgré ce départ, qu’en s’en revenant toute seule au logis, elle avait au moins la consolation et l’attente délicieuse de cet au revoir qu’ils s’étaient dit pour l’automne.