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détonnait beaucoup au milieu de ces hommes primitifs, avec ces grands silences de la mer qu’on devinait autour d’eux ; avec cette lueur de minuit, entrevue par en haut, qui avait apporté la notion des étés mourants du pôle.

Et puis ces manières de Yann faisaient de la peine à Sylvestre et le surprenaient. Lui était un enfant vierge, élevé dans le respect des sacrements par une vieille grand’mère, veuve d’un pêcheur du village de Ploubazlanec. Tout petit, il allait chaque jour avec elle réciter un chapelet, à genoux sur la tombe de sa mère. De ce cimetière, situé sur la falaise, on voyait au loin les eaux grises de la Manche où son père avait disparu autrefois dans un naufrage. — Comme ils étaient pauvres, sa grand’mère et lui, il avait dû de très bonne heure naviguer à la pêche, et son enfance s’était passée au large. Chaque soir il disait encore ses prières et ses yeux avaient gardé une candeur religieuse. Il était beau, lui aussi, et, après Yann, le mieux planté du bord. Sa voix très douce et ses intonations de petit enfant contrastaient un peu avec sa haute taille et sa barbe noire ; comme sa croissance s’était faite très vite, il se sentait presque