Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/194

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pensées, déjà obscurcies par l’approche sombre de l’enfance

Elle éprouvait une honte aussi à laisser paraître son désespoir devant ce petit monsieur qui lui faisait horreur : est-ce que c’était comme ça qu’on annonçait à une grand’mère la mort de son petit-fils ?… Elle restait debout, devant ce bureau, raidie, torturant les franges de son châle brun avec ses pauvres vieilles mains gercées de laveuse.

Et comme elle se sentait loin de chez elle !… Mon Dieu, tout ce trajet qu’il faudrait faire, et faire décemment, avant d’atteindre le gîte de chaume où elle avait hâte de s’enfermer – comme les bêtes blessées qui se cachent au terrier pour mourir. C’est pour cela aussi qu’elle s’efforçait de ne pas trop penser, de ne pas encore bien comprendre, épouvantée surtout d’une route si longue.

On lui remit un mandat pour aller toucher, comme héritière, les trente francs qui lui revenaient de la vente du sac de Sylvestre ; puis les lettres, les certificats et la boîte contenant la médaille militaire. Gauchement elle prit tout cela avec ses doigts qui restaient ouverts, le promena