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chose méchante et dure qui passe là tout droit, très vite, et dont la rencontre peut être mortelle.

Pour la première fois de sa vie, Sylvestre écoute cette musique-là. Ces balles qui vous arrivent sonnent autrement que celles que l’on tire soi-même : le coup de feu, parti de loin, est atténué, on ne l’entend plus ; alors on distingue mieux ce petit bourdonnement de métal, qui file en traînée rapide, frôlant vos oreilles…

… Et dzinn encore, et dzinn ! Il en pleut maintenant, des balles. Tout près des marins, arrêtés net, elles s’enfoncent dans le sol inondé de la rizière, chacune avec un petit flac de grêle, sec et rapide, et un léger éclaboussement d’eau.

Eux se regardent, en souriant comme d’une farce drôlement jouée, et ils disent :

— Les Chinois ! (Annamites, Tonkinois, Pavillons-Noirs, pour les matelots, tout cela c’est de la même famille chinoise.)

Et comment rendre ce qu’ils mettent de dédain, de vieille rancune moqueuse, d’entrain pour se battre, dans cette manière de les annoncer : « Les Chinois ! »

Deux ou trois balles sifflent encore, plus rasantes,