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ridor pour parler de choses graves. Après ces premières phrases, étranglées dans sa gorge, Gaud restait muette, sentant tourner sa tête, n’ayant plus d’idées. Ils s’étaient avancés vers la porte de la rue, lui, fuyant toujours.

Dehors, il ventait avec un grand bruit et le ciel était noir. Par cette porte ouverte, un éclairage livide et triste tombait en plein sur leurs figures. Et une voisine d’en face les regardait : qu’est-ce qu’ils pouvaient se dire, ces deux-là, dans ce corridor, avec des airs si troublés ? qu’est-ce qui se passait donc chez les Mével ?

— Non, mademoiselle Gaud, — répondit-il à la fin en se dégageant avec une aisance de fauve. — Déjà j’en ai entendu dans le pays, qui parlaient sur nous… Non, mademoiselle Gaud… Vous êtes riche, nous ne sommes pas gens de la même classe. Je ne suis pas un garçon à venir chez vous, moi…

Et il s’en alla…

Ainsi tout était fini, fini à jamais. Et elle n’avait même rien dit de ce qu’elle voulait dire, dans cette entrevue qui n’avait réussi qu’à la faire passer à ses yeux pour une effrontée… Quel garçon était-il donc, ce Yann, avec son dédain