Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/110

Cette page a été validée par deux contributeurs.

veux jetés tous du même côté, comme par une main qu’on y aurait passée.

Et cette main était celle aussi qui fait sombrer les barques des pêcheurs, main éternelle des vents d’ouest qui couche, dans le sens des lames et de la houle, les branches tordues des rivages. Ils avaient poussé de travers et échevelés, les vieux arbres, courbant le dos sous l’effort séculaire de cette main-là.

Gaud se trouvait presque au bout de sa course, puisque c’était la chapelle de Pors-Even ; alors elle s’y arrêta, pour gagner encore du temps.

Un petit mur croulant dessinait autour un enclos enfermant des croix. Et tout était de la même couleur, la chapelle, les arbres et les tombes ; le lieu tout entier semblait uniformément hâlé, rongé par le vent de la mer ; un même lichen grisâtre, avec ses taches d’un jaune pâle de soufre, couvrait les pierres, les branches noueuses, et les saints en granit qui se tenaient dans les niches du mur.

Sur une de ces croix de bois, un nom était écrit en grosses lettres : Gaos. — Gaos, Joël, quatre-vingts ans.

Ah ! oui, le grand-père ; elle savait cela. La mer