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En reprenant ses idées, vite elle retrouva son angoisse.

Pourquoi avait-elle quitté Toulven ? Pourquoi s’était-elle mariée ? Pauvre fille de la campagne, que faisait-elle dans ce Brest, où on regardait son costume de paysanne ! Pourquoi était-elle venue traîner dans les rues de la ville sa grande collerette blanche, souvent trempée de pluie, que, par désespérance, par dégoût de tout, elle laissait maintenant pendre toute fripée et sans apprêt sur ses épaules ?

Elle avait épuisé tous les moyens pour ramener Yves. Il était encore si doux, si bon, il aimait tant son petit Pierre dans ses moments raisonnables, que souvent elle s’était reprise à espérer ! Il avait des repentirs très sincères, qui duraient plusieurs jours ; et c’étaient des jours de bonheur.

— Il faut me pardonner, disait-il, tu vois bien que ce n’était plus moi !

Et elle pardonnait ; alors on ne se quittait plus ; quand par hasard il faisait un peu de beau temps, on habillait petit Pierre dans ses habits neufs, et on allait se promener, tous les trois, dans Brest.