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VERS PÉKIN.

Nous étions allés loin dans la ville, dont l’horreur et le silence nous deviennent intolérables, à cette tombée de nuit. Et nous retournons vers le quartier des troupes, cinglés par le vent de Nord, transis par le froid et l’obscurité ; nous retournons bon pas, les cassons de porcelaine craquant sous nos pieds, avec mille débris qui ne se définissent plus.

La berge, à notre retour, est garnie de soldats qui se chauffent et font cuire leurs soupes à des feux clairs, en brûlant des fauteuils, des tables, des morceaux de sculptures ou de charpentes. Et tout cela, au sortir des rues dantesques, nous paraît du confort et de la joie.

Près de notre jonque, il y a une cantine, improvisée par un Maltais, où l’on vend des choses à griser les soldats. Et j’envoie mes gens y prendre, pour notre souper, des liqueurs à leur choix, car nous avons besoin nous aussi d’être réchauffés, égayés si possible, et nous ferons la fête comme les autres, avec de la soupe fumante, du thé, de la chartreuse, je ne